La factorielle désigne une opération mathématique qui permet de calculer le nombre de façons de ranger des éléments. Il y a par exemple 120 façons de classer 5 cartes (5! = 5x4x3x2x1 = 120).
Une image numérique est une matrice de pixels, c’est-à-dire un arrangement de points de couleur. Et c’est l’ordre de ces teintes qui lui donne son identité. Lorsque cet ordre est rompu, nous nous retrouvons face à un puzzle qui offre un nombre considérable de possibilités. À l’instar du jeu de taquin, ce casse-tête, créé fin XIXe, qui consiste à recomposer un ensemble en glissant des éléments contraints dans un cadre.
Le projet factorielles! regroupe des tableaux majeurs de l’art moderne dans une collection de jeux de taquin géants. Issue d’une version basse résolution glanée sur le web, chaque peinture est décomposée en une matrice de quelques 8000 pixels. Chacun de ces points de couleur se matérialise alors en un disque magnétique de 1cm de diamètre, disposé sur une plaque d’acier encadrée de bois. Un magnet manquant invite le spectateur à faire glisser et à réordonner les pixels. Ce mouvement potentiel permet d’entretenir l’infime espoir de faire apparaître le tableau. Espoir vain, au regard du nombre de combinaisons qui dépasse la mesure humaine.
Les seules éléments qui relient une matrice factorielle à l’œuvre originale sont donc sa gamme chromatique et le cartel qui l’accompagne. Autant de supports qui permettront au spectateur de faire émerger le souvenir du tableau et de s’en projeter une image.
En représentant de manière foncièrement infidèle des œuvres classiques, le projet factorielles! s’emploie moins à revisiter notre histoire de l’art qu’à penser autrement le pictural à l’ère numérique.